On a bien poireauté une dizaine de jours avant que le responsable de projet (nous l'apellerons Munz pour garder l'anonymat) nous contacte mais a partir de là, l'expérience Williche débute. Je prends le bus tous les matins, une heure de trajet (!) pour prendre mes repères au centre de santé Mapu Ñuke, qu
i en langue Williche, correspond à Mère Nature ou Terre Mère, ca vous plante le décor. Concept au coeur de la culture Williche, la Terre Mère et nourricière est présente partout, ya qu'a ouvrir les yeux, la clinique est plantée au beau beau milieu d'une coline et entourée derrière par la foret native et devant par la mer intérieure qui sépare la grande ile de Chiloé du continent.
Là bas, je commence mes investigations, en collaboration avec Rosa, qui est lawentuchefe; elle soigne grace aux plantes et au savoirs que lui ont transmis les anciens. Les relations sont à ce moment là pas toujours évidentes; hormis la langue et la culture qui me facilitent pas la tache, je crois surtout que l'équipe se demande vraiment ce que je viens fouiner par là.
En résumé, les premiers temps à Chiloé ne sont pas des plus excitants, d'autant plus que là nous nous créchons, dans notre petit confort avec vue sur mer, on est assez isolés. Heureusement, les citadins de Concé ont eu envie de prendre l'air et de nous rendre visite.
Ceux de Puerto Varas (Pablo y Violeta) aussi, ce qui nous vaut quelques excursions au parc national coté Pacifique. Désertée en cette période, la plage et les sentiers nous appartiennent.


De plus, les Strika, la famille qui nous avait hébergés lors de notre premier passage et qui nous a refilé le plan clinique, nous filent rencard casi tous les we pour se taper tous ensemble des gueuletons qu'on est pas près d'oublier. Ils nous ont bien rempli la panse et on a toujours su se comporter en dignes invités, d'autant qu'ils sont vraiment peinards et pas contraignants.... On vous laisse les découvrir en exclu, sous tous les angles.
Du 16 au 24 juin, nous sommes à Buenos Aires (et comme nous savons qu'il y a des incultes parmi vous, nous précisons que c'est en Argentine), cause qu'il faut renouveller la paperasse sans quoi nous deviendrions des clandestins dangereux. Sur place, on est foudroyés, d'abord par
la ville, c'est qu'on n'était plus habitués dans notre archipel, et ensuite par une belle gastro pour moi dont je peux, sans me vanter, classer dans mon top3; et par une bonne grosse gripe pour le vynyie. Et evidemment, en décalé, ce qui nous cloue a l'hotel pendant 4j. A nos heures les plus vigoureuses, on arrive quand même à vadrouiller en ville et dans les quartiers, entre les Tshirts de football, surtout de Maradonna.

En bons touristes, on se pointe dans le caminito, LE quartier bohème du coin, c'est blindés de peintres de touristes, et même de magasins, que ce serait écrit « attrapes couillons » sur la devanture que ce ferait le même effet.... San Telmo est bien plus agréable, avec ses antiquaires qui peuvent te refourguer n'importe quelle vieillerie, les terrasses ensoleillées et même, là, ca va vous en boucher un coin, la plus petite maison du monde!!! Ah, ah!! ca vous la coupe, hein!!! On ne part pas sans avoir commandé la fameuse par illa argentine, qui en fait est un assortiment de bidoche, dont une forte proportion de foie, reins et de morceaux blancs, un tantinet gélatineux, genre cartilage mais en plus mou, je ne veux pas savoir d'ou ca vient, mais ca ressemblerait bien à la peau de l'intestin, vous savez, le transit intestinal.... Pour mon premier repas post gastro, ca m'a retourné les tripes.
On trouve le moyen de louper le vol de retour.... Faut casquer un autre billet et attendre le prochain avion. C'est la loose, d'autant que Vincent est très pressé de retourner à Concé, pour enfin concrétiser sa nouvelle obnubilation. Lui qui voulait se faire tatouer en a enfin l'occasion puisque j'ai puisé dans toutes mes ressources pour lui dégotter LE tampon parfait, made in JessX. Ceux qui le connaissent savent que je ne pouvais pas me tromper en faisant appel à lui, et ceux qui ne le connaissent pas vont s'en rendre compte immédiatement:

Escale a Conce se taper les réjouissances puis on retrouve notre ile, mais pas la cabaña, puisqu'on l'avait désertée avant de partir. On renquille cette fois dans un hostal ou on trouve une petite piaule bein moins chère, et dans le centre, bien pratique pour rencontrer des voyageurs de passage avec qui on peut aller trinquer un coup. Ca nous sort de notre torpeur, d'un coup, on se met a avoir une vie sociale. On va toujours aussi souvent se gaver chez les Strika et le taf à la clinique prend une autre tournure. A force de persévérance, les langues se délient et les relations se font plus amicales. Dans le même temps, Vincent se dérouille et propose un projet photo en relation avec la culture Williche et la lutte térritoriale, un de leur problème majeur. Historiquement, les populations indigènes qui se trouvaient sur le territoire conquis se sont fait expropriés leurs terres, ca remonte, mais c'est toujours d'actualité, et aujourd'hui, ils tentent de les récupérer et par la même occasion, de renouer avec la culture ancestrale et les traditions, car, si vous avez bien pigé le concept de la Mapu Ñuke, vous comprenez que la terre et les territoires sont indispensables à l'harmonie des communautés et des individus. C'est la base de leur cosmovision: le centre de l'univers est la Mapu Ñuke et les liens qui les unissent à elle sont extremement forts, d'elle découle tous les savoirs ancestraux et toutes les ressources qui permettent au Williche de vivre. Si les terres sont dégradées, l'harmonie est brisée, les conflits et le chaos apparaissent. Ca, c'est ce qu'on trouve dans les bouquins. En réalité, cela se traduit par un éclatement des communautés qui se retrouvent isolées, géographiquement d'abord, vu qu'elles se sont retrouvées mises à l'écart, sur des petits bouts de parcelles qu'on a bien voulu leur laisser, loin de l'axe principal de l'ile. Pour y accéder, faut enfiler les bottes faute de goudron et aimer marcher, ou alors dégotter un cheval, ou alors posséder un bon véhicule, ce qui n'est pas vraiment répandu chez eux (heureusement, nous, on a le Galactica). Les gamins se tapent facilement 30 minutes de marche pour aller à l'école, quel que soit le temps.... Socialement ensuite, les communautés et les familles se sont désolidarisées, ben évidemment, quand ya plus assez de terres pour subvenir aux besoins, faut bien aller à la ville chercher un travail. Ici, ils donnent surtout dans l'elevage de saumon, donc au choix, c'est surveillance des bassins la nuit, maintenance des bassins dans l'eau jusqu'à la taille ou le tri des poisson à la chaine. Du coup, les enfants partent, laissant les anciens seuls, et ne bénéficient pas de leurs savoirs et de leur connaissance, qui se transmettent traditionnellement par oral; ils coupent peu à peu le cordon qui les relient à leur culture et se laissent absorber par le système occidental. De même pour les jeunes qui doivent suivre la scolarité obligatoire au collège, ils doivent rejoindre la ville et l'internat car dans les communautés, ya pas de collège. Et bien sur, l'internat a un cout, donc on en revient toujours au même point, les parents ont le choix soit de dégotter un sale boulot mal payé soit de laisser tomber leurs terres pour se rapprocher de la ville. Culturellement, c'est la déroute car le compromis qui leur permettrait de conserver leur culture propre tout en étant intégrés dans le système qui leur a été imposé n'a pas encore été trouvé. D'ailleurs, on dirait que ca n'intéresse qu'eux. D'un coté, ils sont citoyens chiliens et obeissent aux mêmes règles que les autres et de l'autre, ils sont un peuple qui refuse d'oublier son identité; on leur demande de s'adapter. Rosa nous raconte q ue, quand elle était encore gamine, les marmots se faisaient taper s'ils parlaient la langue Williche, et la répression fonctionna si bien qu'aujourd'hui, c'est quasi une langue morte, sauf qu'on l'apprend pas à l'école comme le bon vieux latin. Faut savoir s'adapter!!! D'autant plus que, c'est utile de le préciser, le racisme existe ici aussi, oui oui, partout dans le monde, des qu'il yen a un qu'a la peau un peu plus bronzée que les autres...... Car les Williches ont la peau bien tannée, et les cheveux bien noirs, bien raides. Et ils se mobilisent.

Tout d'abord, ils ont reconstitué la hiérarchie traditionnelle et reformé les liens communautaires. Les communautés désireuses de se lancer dans la lutte contre l'oubli ont à leur tête un lonko, un homme choisi pour ses qualités d'écoute, de générosité, de sagesse et d'orateur. Tous ces lonkos (une quinzaine) appartiennent au Consejo de Caciques, « présidé » par le lonko mayor, institution traditionnelle qui oeuvre dans tous les domaines pour mener la lutte à bien et garantir le bien être des communautaires. Territoire, enseignement, médecine, patrimoine, ils ne choment pas. Pour en revenir aux problèmes de territo ires et pour vous donner un apercu de l'ampleur de la tache, nous signalons qu'au sud de l'ile, existe un territoire vierge représentant quasi un tiers de la superficie, qui appartient à Piñera, un richeman en puissance, adversaire de la Bachelet aux dernières élections présidentielles, qui contrôle la première chaine de télé nationale et la compagnie aérienne LAN Chile . Juste pour vous faire entr-apercevoir le désequilibre du combat.

Heureusement, le Consejo a des ressources, dont Munz, conseiller de premier ordre et investi à 400%. Nous avons eu là une putain de chance de le rencontrer. Car en plus d'être un Williche combatif, il est aussi anthropologue. Pour nous, il fut d'une aide précieuse pour comprendre les rouages de ce qui se trame ici et faire le lien entre nos deux cultures. On en a passé du temps dans son bureau, chez lui, à des heures avancées de la nuit car la journée, il est trop occupé. Sa femme et ses soeurs baignent aussi dans le jus de la lutte, elle est avocate et propose ses services aux communautés sur les thèmes juridiques. Elle part d'ailleurs se spécialiser dans le droit indigène prochainement.
Voilà en gros le contexte dans lequel on bosse.

On participe aux rondes médicales dans les communautés, j'arpente le bois avec Rosa qui me transmet certains de ses savoirs, Vincent s'incruste au Consejo de Caciques, part en excursion dans les communautés avec son objectif, tel est notre quotidien. Au début, on leur a un peu forcé la main mais au fur et à mesure, certains deviennent des amis et nous invitent à passer quelques jours dans leur chez-eux, sur l'ile Kailin, tout au sud, loin....
Nous y debarquons, territoires vierges, quelques maisons, la Nature en sourdine; seuls les innombrables déchets déposés par la marée sur la plage nous rappelle qu'on n'est pas si loin....
Chez Rosa et Raul, on vit des jours tranquilles, au rythme des travaux quotidiens et du maté, ce breuvage riche en caféine qu'on prend à l'aide d'une paille qui passe de bouche en bouche, tous réunis autour de la cocina, poele à bois géant qui sert de cuisinière et de radiateur. Si on tente de traduire littéralement le nom donné aux banquettes qui entoure la cocina, ca pourrait donner: objet servant à flegmer. C'est tout à fait dans cette ambiance qu'on se trouve, c'est pas vraiment la flegme telle qu'on la connait chez nous, car faut faire cuire le pain, donner à manger aux cochons, donner le biberon au petit agneau dont la mère s'est fait bouffée par un chien,
couper le bois
pour le poele, éplucher les patates.... Mais l'ambiance est flegmeuse dans le sens où on est posés là, à partager le maté et à discuter, tranquillement, et si yen a un qui veut siester, les pieux sont à coté. Quand le soleil tombe, faut allumer le moteur électrogène qui fournit l'electricité à 8 maisons du coin, jusqu'à 11h-minuit.
A la suite de ca, ils nous ont conduit chez le lonko mayor, le chef des chefs, Don Armando qui vit à une demie heure à pied. Pas de bol, lui et sa femme Nuvia n'étaient pas informés de notre venue et on arrive au mauvais moment: c'est le jour de la ronde médicale et Don Armando qui est aussi auxiliare médical a beaucoup de taf, un médecin passe sur l'ile 1 à 2 fois par mois donc tous ceux qui ont besoin d'une consultation se rappliquent ce jour-là.
Et comme la Nuvia tient un micro commerce (4 étagères) avec le strict minimum (nouilles, riz, huile, lait en poudre, clopes, biscuits..), chacun passe se ravitailler entre la consult et le retour at home, jusqu'à deux heures de marche ou, le plus souvent, à cheval. Nous, on voit défiler une tripotée de gens dans la maison qui viennent aussi prendre et donner des nouvelles, partager un maté.... Notre présence n'a l'air d'étonner personne et beaucoup se laissent photografier sans broncher. Nous passons 1 nuit ou 2 là-bas et il nous faut rentrer sur la grande ile (buta huapi en williche), amis avant ca, Nuvia insiste pour qu'on revienne quand elle aura le temps de s'occuper de nous. Rendez vous est pris et 3 semaines plus tard, nous voilà de retour, j'ai envie de dire à la maison car on fait presque partie du décor. Cette fois, la chance est avec nous: le temps est découvert et pour la première fois, on découvre la Cordillière entière, de l'autre coté de la mer, sur le continent. C'est énorme et pour profiter au maximum des merveilles de la nature, on se lève tôt pour assister à l'apparition du soleil derrière les sommets enneigés.
Cette fois encore, on rencontre pas mal de monde, notamment à l'occasion du curanto, cette spécialité culinaire ultra-typique. Primero, après le lever du soleil, on prend les paniers sous le bras pour aller tater du fruit de mer, il est 9h. Près de la plage, on creuse un large trou où les pierres qui serviront à cuire les coquillages sont chauffées au rouge. Pendant ce temps, la Nuvia prépare les chapalélés, galettes de patates (on vous a dit qu'il existait plus d'une centaine de variétés de patates à Chiloé?) et
découpe le poulet. Vers midi, on redescend à la plage, les kilos de moules et d'almejas sont déversés sur les pierres brulantes, puis la bidoche de poulet et saucisses, enfin les patates (lesquelles sont violettes et roses, de forme allongée, ca ressemble étrangement à une saucisse). Tout le monde s'active autour du trou pour tout recouvrir de larges feuilles de nalca. Les chapalélés sont posés sur cette première couche végétale et une seconde est poséee par-dessus. Enfin, terre et pelous
e servent de couvercle pour hermétiser la marmite géante, il est 13h. 1h30 plus tard, ca parit enfin prêt, tout est retiré et chacun se rue autour du trou picorer jusqu'à plus faim. La thermos de chica (bière artisanale) passe de main en main; et une fois de plus, on s'en met plein le bide..... Après ca, vers 16h, la montée qui nous ramène à la maison ne nous a jamais paru aussi longue.


Chaque jour, nous mangeons les délices offerts par la Mapu Ñuke: patates, beignets d'escargots de mer, crabes, poissons fraichement pechés, oeufs de poule et la poule qui va avec.... Un vrai festin et comme on se sent bien
et qu'on se marre bien avec eux et qu'ils nous le proposent, on rallonge de 2j le séjour chez Don Armando et Doña Nuvia. On en apprend encore un peu plus sur la culture williche et quand on part de Kailin, petit pincement au coeur, ca a été tellement bon, la Nuvia en a la larme à l'oeil....
Nous voilà aujourd'hui revenus sur Concepcion, après avoir fait nos aux revoirs aux chilotes, une impression toute drôle... Ici aussi, l'heure est aux au-revoirs: Vadim part en république tchèque pour 1an et Fernanda et sa nouvelle petite famille repart en Indonésie.... Et nous, dans le courant de la semaine, rejoindre Clem et Tomas a Arequipa.

Là bas, je commence mes investigations, en collaboration avec Rosa, qui est lawentuchefe; elle soigne grace aux plantes et au savoirs que lui ont transmis les anciens. Les relations sont à ce moment là pas toujours évidentes; hormis la langue et la culture qui me facilitent pas la tache, je crois surtout que l'équipe se demande vraiment ce que je viens fouiner par là.
En résumé, les premiers temps à Chiloé ne sont pas des plus excitants, d'autant plus que là nous nous créchons, dans notre petit confort avec vue sur mer, on est assez isolés. Heureusement, les citadins de Concé ont eu envie de prendre l'air et de nous rendre visite.



De plus, les Strika, la famille qui nous avait hébergés lors de notre premier passage et qui nous a refilé le plan clinique, nous filent rencard casi tous les we pour se taper tous ensemble des gueuletons qu'on est pas près d'oublier. Ils nous ont bien rempli la panse et on a toujours su se comporter en dignes invités, d'autant qu'ils sont vraiment peinards et pas contraignants.... On vous laisse les découvrir en exclu, sous tous les angles.
Du 16 au 24 juin, nous sommes à Buenos Aires (et comme nous savons qu'il y a des incultes parmi vous, nous précisons que c'est en Argentine), cause qu'il faut renouveller la paperasse sans quoi nous deviendrions des clandestins dangereux. Sur place, on est foudroyés, d'abord par
la ville, c'est qu'on n'était plus habitués dans notre archipel, et ensuite par une belle gastro pour moi dont je peux, sans me vanter, classer dans mon top3; et par une bonne grosse gripe pour le vynyie. Et evidemment, en décalé, ce qui nous cloue a l'hotel pendant 4j. A nos heures les plus vigoureuses, on arrive quand même à vadrouiller en ville et dans les quartiers, entre les Tshirts de football, surtout de Maradonna.


On trouve le moyen de louper le vol de retour.... Faut casquer un autre billet et attendre le prochain avion. C'est la loose, d'autant que Vincent est très pressé de retourner à Concé, pour enfin concrétiser sa nouvelle obnubilation. Lui qui voulait se faire tatouer en a enfin l'occasion puisque j'ai puisé dans toutes mes ressources pour lui dégotter LE tampon parfait, made in JessX. Ceux qui le connaissent savent que je ne pouvais pas me tromper en faisant appel à lui, et ceux qui ne le connaissent pas vont s'en rendre compte immédiatement:

Escale a Conce se taper les réjouissances puis on retrouve notre ile, mais pas la cabaña, puisqu'on l'avait désertée avant de partir. On renquille cette fois dans un hostal ou on trouve une petite piaule bein moins chère, et dans le centre, bien pratique pour rencontrer des voyageurs de passage avec qui on peut aller trinquer un coup. Ca nous sort de notre torpeur, d'un coup, on se met a avoir une vie sociale. On va toujours aussi souvent se gaver chez les Strika et le taf à la clinique prend une autre tournure. A force de persévérance, les langues se délient et les relations se font plus amicales. Dans le même temps, Vincent se dérouille et propose un projet photo en relation avec la culture Williche et la lutte térritoriale, un de leur problème majeur. Historiquement, les populations indigènes qui se trouvaient sur le territoire conquis se sont fait expropriés leurs terres, ca remonte, mais c'est toujours d'actualité, et aujourd'hui, ils tentent de les récupérer et par la même occasion, de renouer avec la culture ancestrale et les traditions, car, si vous avez bien pigé le concept de la Mapu Ñuke, vous comprenez que la terre et les territoires sont indispensables à l'harmonie des communautés et des individus. C'est la base de leur cosmovision: le centre de l'univers est la Mapu Ñuke et les liens qui les unissent à elle sont extremement forts, d'elle découle tous les savoirs ancestraux et toutes les ressources qui permettent au Williche de vivre. Si les terres sont dégradées, l'harmonie est brisée, les conflits et le chaos apparaissent. Ca, c'est ce qu'on trouve dans les bouquins. En réalité, cela se traduit par un éclatement des communautés qui se retrouvent isolées, géographiquement d'abord, vu qu'elles se sont retrouvées mises à l'écart, sur des petits bouts de parcelles qu'on a bien voulu leur laisser, loin de l'axe principal de l'ile. Pour y accéder, faut enfiler les bottes faute de goudron et aimer marcher, ou alors dégotter un cheval, ou alors posséder un bon véhicule, ce qui n'est pas vraiment répandu chez eux (heureusement, nous, on a le Galactica). Les gamins se tapent facilement 30 minutes de marche pour aller à l'école, quel que soit le temps.... Socialement ensuite, les communautés et les familles se sont désolidarisées, ben évidemment, quand ya plus assez de terres pour subvenir aux besoins, faut bien aller à la ville chercher un travail. Ici, ils donnent surtout dans l'elevage de saumon, donc au choix, c'est surveillance des bassins la nuit, maintenance des bassins dans l'eau jusqu'à la taille ou le tri des poisson à la chaine. Du coup, les enfants partent, laissant les anciens seuls, et ne bénéficient pas de leurs savoirs et de leur connaissance, qui se transmettent traditionnellement par oral; ils coupent peu à peu le cordon qui les relient à leur culture et se laissent absorber par le système occidental. De même pour les jeunes qui doivent suivre la scolarité obligatoire au collège, ils doivent rejoindre la ville et l'internat car dans les communautés, ya pas de collège. Et bien sur, l'internat a un cout, donc on en revient toujours au même point, les parents ont le choix soit de dégotter un sale boulot mal payé soit de laisser tomber leurs terres pour se rapprocher de la ville. Culturellement, c'est la déroute car le compromis qui leur permettrait de conserver leur culture propre tout en étant intégrés dans le système qui leur a été imposé n'a pas encore été trouvé. D'ailleurs, on dirait que ca n'intéresse qu'eux. D'un coté, ils sont citoyens chiliens et obeissent aux mêmes règles que les autres et de l'autre, ils sont un peuple qui refuse d'oublier son identité; on leur demande de s'adapter. Rosa nous raconte q ue, quand elle était encore gamine, les marmots se faisaient taper s'ils parlaient la langue Williche, et la répression fonctionna si bien qu'aujourd'hui, c'est quasi une langue morte, sauf qu'on l'apprend pas à l'école comme le bon vieux latin. Faut savoir s'adapter!!! D'autant plus que, c'est utile de le préciser, le racisme existe ici aussi, oui oui, partout dans le monde, des qu'il yen a un qu'a la peau un peu plus bronzée que les autres...... Car les Williches ont la peau bien tannée, et les cheveux bien noirs, bien raides. Et ils se mobilisent.

Tout d'abord, ils ont reconstitué la hiérarchie traditionnelle et reformé les liens communautaires. Les communautés désireuses de se lancer dans la lutte contre l'oubli ont à leur tête un lonko, un homme choisi pour ses qualités d'écoute, de générosité, de sagesse et d'orateur. Tous ces lonkos (une quinzaine) appartiennent au Consejo de Caciques, « présidé » par le lonko mayor, institution traditionnelle qui oeuvre dans tous les domaines pour mener la lutte à bien et garantir le bien être des communautaires. Territoire, enseignement, médecine, patrimoine, ils ne choment pas. Pour en revenir aux problèmes de territo ires et pour vous donner un apercu de l'ampleur de la tache, nous signalons qu'au sud de l'ile, existe un territoire vierge représentant quasi un tiers de la superficie, qui appartient à Piñera, un richeman en puissance, adversaire de la Bachelet aux dernières élections présidentielles, qui contrôle la première chaine de télé nationale et la compagnie aérienne LAN Chile . Juste pour vous faire entr-apercevoir le désequilibre du combat.


Heureusement, le Consejo a des ressources, dont Munz, conseiller de premier ordre et investi à 400%. Nous avons eu là une putain de chance de le rencontrer. Car en plus d'être un Williche combatif, il est aussi anthropologue. Pour nous, il fut d'une aide précieuse pour comprendre les rouages de ce qui se trame ici et faire le lien entre nos deux cultures. On en a passé du temps dans son bureau, chez lui, à des heures avancées de la nuit car la journée, il est trop occupé. Sa femme et ses soeurs baignent aussi dans le jus de la lutte, elle est avocate et propose ses services aux communautés sur les thèmes juridiques. Elle part d'ailleurs se spécialiser dans le droit indigène prochainement.
Voilà en gros le contexte dans lequel on bosse.

On participe aux rondes médicales dans les communautés, j'arpente le bois avec Rosa qui me transmet certains de ses savoirs, Vincent s'incruste au Consejo de Caciques, part en excursion dans les communautés avec son objectif, tel est notre quotidien. Au début, on leur a un peu forcé la main mais au fur et à mesure, certains deviennent des amis et nous invitent à passer quelques jours dans leur chez-eux, sur l'ile Kailin, tout au sud, loin....

Nous y debarquons, territoires vierges, quelques maisons, la Nature en sourdine; seuls les innombrables déchets déposés par la marée sur la plage nous rappelle qu'on n'est pas si loin....



A la suite de ca, ils nous ont conduit chez le lonko mayor, le chef des chefs, Don Armando qui vit à une demie heure à pied. Pas de bol, lui et sa femme Nuvia n'étaient pas informés de notre venue et on arrive au mauvais moment: c'est le jour de la ronde médicale et Don Armando qui est aussi auxiliare médical a beaucoup de taf, un médecin passe sur l'ile 1 à 2 fois par mois donc tous ceux qui ont besoin d'une consultation se rappliquent ce jour-là.






Chaque jour, nous mangeons les délices offerts par la Mapu Ñuke: patates, beignets d'escargots de mer, crabes, poissons fraichement pechés, oeufs de poule et la poule qui va avec.... Un vrai festin et comme on se sent bien

Nous voilà aujourd'hui revenus sur Concepcion, après avoir fait nos aux revoirs aux chilotes, une impression toute drôle... Ici aussi, l'heure est aux au-revoirs: Vadim part en république tchèque pour 1an et Fernanda et sa nouvelle petite famille repart en Indonésie.... Et nous, dans le courant de la semaine, rejoindre Clem et Tomas a Arequipa.